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La redéfinition du licenciement économique par la Loi EL KHOMRI

Le projet de loi Travail définitivement adopté réécrit la définition du licenciement pour motif économique. Il fixe au seul niveau de l’entreprise le périmètre d’appréciation des difficultés économiques. Et il précise les indicateurs dont l’évolution significative est de nature à justifier des licenciements, la durée de cette évolution dépendant de l’effectif de l’entreprise.

L’article L. 1233-3 modifié par la loi Travail est le suivant (les changements sont soulignés)

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

     1° À des difficultés technologiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

    Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

  1. a) 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  2. b) 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
  3. c) 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
  4. d) 4 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 300 salariés et plus ;

     2° À des mutations technologiques ;

     3° À une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

     4° À la cessation d’activité de l’entreprise. 

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

 Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article. »

Cette nouvelle définition entrera en vigueur le 1er décembre 2016, pour « des raisons de sécurité juridique », ont estimé les députés. Autre raison avancée par le gouvernement : la nouvelle définition permettant au juge d’apprécier la réalité des difficultés économiques vise une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires d’un trimestre, il faut donc laisser cette durée minimum s’écouler après la promulgation de la loi.

Pas de changement notable concernant les motifs

Le licenciement économique doit toujours ne pas être « inhérent à la personne du salarié », contrairement au licenciement disciplinaire par exemple. De plus, les motifs du licenciement visés par la loi sont les difficultés économiques et les mutations technologiques, comme auparavant, auxquels s’ajoutent désormais la réorganisation de l’entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité. La loi ne fait ici que reprendre deux motifs déjà reconnus par les juges.

En pratique, cela ne change donc rien, sauf peut-être à donner une meilleure lisibilité aux employeurs et aux salariés des règles applicables en matière de licenciement économique.

Des critères destinés à objectiver le motif du licenciement économique

Cette définition maintient le mot « notamment » dans le premier alinéa. Cet adverbe, d’apparence anodine, permettra au juge une certaine souplesse dans l’interprétation de la loi. Autrement dit, un juge pourra retenir d’autres critères que ceux indiqués dans la loi pour juger qu’une entreprise connaît des difficultés économiques justifiant des licenciements. C’est donc le juge qui donnera la tendance avec sa jurisprudence, comme jusqu’alors.

L’objectif du gouvernement est de « sécuriser » les licenciements économiques en donnant une définition objective des difficultés, de façon à limiter le pouvoir d’appréciation du juge.

Les contours de la notion de difficultés économiques

Cette définition de critères objectifs caractérisant les difficultés économiques constitue la grande nouveauté de cette refonte législative. Tous les critères mentionnés (baisse des commandes, pertes d’exploitation, etc.) sont censés démontrer l’existence de difficultés économiques dès lors que leur évolution est « significative ». Mais cette « évolution significative » est laissée à l’appréciation des juges s’agissant :

  • des pertes d’exploitation ;
  • de la dégradation de la trésorerie ;
  • de l’excédent brut d’exploitation ;
  • de toute autre élément de nature à justifier ces difficultés.

En revanche, concernant les commandes ou le chiffre d’affaires, la loi précise que leur baisse est significative dès lors qu’elle représente une certaine durée. Cette durée, qu’il faut comparer par rapport à la même période de l’année précédente, dépend de l’effectif de la société. Les niveaux d’appréciation fixés par la loi sont les suivants :

  • 1 trimestre ou 3 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pour les TPE (moins de 11 salariés) ;
  • 2 trimestres ou 6 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pour les sociétés de 11 à 49 salariés ;
  • 3 trimestres ou 9 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires de 50 à 299 salariés ;
  • 4 trimestres ou 12 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires à partir de 300 salariés

Le périmètre d’appréciation des difficultés :

Ce point a fait l’objet d’âpres débats au sein de la majorité socialiste : fallait-il limiter au seul périmètre national l’appréciation par le juge des difficultés économiques d’une entreprise ? Le gouvernement plaidait dans le sens d’une « sécurisation juridique du motif économique du licenciement » afin de ne pas décourager les investissements étrangers en France. L’étude d’impact du projet de loi Travail justifiait cette approche par le souci pragmatique de favoriser les réorganisations des entreprises.

L’écriture envisagée par le gouvernement limitait le périmètre d’appréciation des difficultés, lorsqu’une entreprise appartient à un groupe, au seul secteur d’activité commun des entreprises du groupe implantées au niveau national, et non plus à une échelle européenne ou mondiale.

Cela aurait donc empêché la Cour de cassation de prendre en considération la santé économique d’un groupe dans son ensemble.

La version définitive du texte écarte finalement cette perspective. Seule apparaît une nouvelle phrase, mais qui ne porte que sur le constat matériel des suppressions de postes : « La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise ».

Autrement dit, sur le point crucial du périmètre d’appréciation des difficultés économiques (entreprise, groupe, etc.), le droit actuel reste en l’état.

L’adoption définitive de cette loi suite à un nouveau recours à l’article 49-3 de la Constitution n’est pas le signe d’une grande stabilité et d’une confiance certaine du Gouvernement. Pour autant, c’est, encore et toujours, la jurisprudence qui précisera les contours exacts des règles applicables en la matière.