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#balancetonporc : comment réagir face à une situation de harcèlement sexuel ou moral ?

L’actualité nous guide à envisager le problème du harcèlement dans le monde du travail, qu’il soit moral ou sexuel. Les dernières vagues de dénonciation de fait de harcèlement sexuel, voire même de viol, dont les auteurs sont particulièrement connus et puissant jette un coup de projecteur sur le problème de la considération des femmes dans l’entreprise.

Les affaires Weinstein, Joxe ou encore Tariq Ramadan ont conduit la génération 2.0 à réagir, créant une plateforme inédite permettant aux femmes de dénoncer librement tout homme ayant pu commettre un jour à son encontre des faits de harcèlement, d’agression sexuelle ou de viol.

Le hashtag « balancetonporc » était né.

La question qui se pose est de savoir si le cadre juridique existant ne protège déjà pas les femmes victimes de tels faits. La réponse est positive et mérite d’être rappelé.

La protection des salariés par le Code du travail

*L’article L.1153-1 du Code du travail pose une double définition du harcèlement sexuel, qui peut prendre deux formes :

  • Les propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à la dignité du salarié victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  • Toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Dans un arrêt récent du 17 mai 2017, la Cour de cassation a abandonné le critère de répétition des propos ou comportements à connotation sexuelle et précisé qu’un fait unique peut désormais suffire à constituer une situation de harcèlement sexuel.

Le ou les faits peuvent intervenir en dehors des lieu et temps de travail, dès lors qu’ils sont directement liés aux relations de travail. On pense par exemple au cas d’un ou d’un(e) salarié(e) qui recevrait des messages à caractère sexuel sur son téléphone personnel de la part d’un de ses collègues en dehors de son temps de travail.

Il suffit en outre que le ou les comportements revêtent une connotation sexuelle, ce qui n’exige pas qu’ils présentent un caractère explicitement et directement sexuel.

*De la même manière, le Code du travail envisage les cas de harcèlement moral, au travers des dispositions de l’article L.1152-1 du Code du travail.

Il s’agit d’ « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnels. »

Le harcèlement moral peut par exemple être constitué par des humiliations, des propos vexatoires, une mise à l’écart, des méthodes de management anxiogènes, entre autre.

Dans ce cas, le caractère répété des faits est une condition nécessaire de définition du harcèlement.

Le problème de la charge de la preuve du harcèlement sexuel ou moral

Qu’il s’agisse de harcèlement sexuel ou moral, le Code du travail facilite la preuve qui incombe au salarié, prévoyant qu’il doit apporter des éléments susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement.

Il revient ensuite à l’employeur d’établir que les agissements en cause sont étrangères à tout harcèlement. A défaut, le harcèlement doit être considéré comme suffisamment établi pour le salarié.

Il n’en reste pas moins qu’à défaut du moindre élément probatoire, la demande du salarié est vouée à l’échec. Or, il est souvent très compliqué pour le ou la salarié(e) victime de harcèlement sexuel ou moral d’obtenir le moindre élément prouvant la réalité de ses dénonciations. Il s’agit par définition de propos ou de comportements qui ne donnent généralement pas lieu à l’établissement du moindre écrit.

La notion d’agissement sexiste

Une loi du 17 août 2015 a, en outre, introduit la définition de l’ « agissement sexiste » : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

L’agissement sexiste est défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

La nécessité de dénoncer la situation de harcèlement auprès de son employeur

Avant toute chose, le salarié qui subit de tels agissements, qu’il s’agisse de harcèlement sexuel ou moral, doit impérativement dénoncer cette situation auprès de son employeur. L’idéal étant de lui adresser un courrier recommandé avec avis de réception pour matérialiser le signalement et faciliter la preuve le cas échéant. S’il est parfois difficile d’adresser un tel courrier à l’employeur, je conseille a minima de le prévenir par e-mail, il restera toujours un écrit.

Dès lors, l’employeur est contraint de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser toute situation de harcèlement.

En cas d’inaction de l’employeur à la suite de sa dénonciation, cela permettra ultérieurement au salarié victime, de demander une indemnisation du fait de cette inertie.

Il peut également être très utile de signaler cette situation à l’Inspection du travail qui peut mener une enquête indépendante et enjoindre à l’employeur de prendre les mesures qu’elle estime nécessaires.

L’option pénale

 Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que toute personne victime de faits de harcèlements sexuels, d’agression ou de viol, a fortiori dans le cadre de son exercice professionnelle, a la possibilité de porter sa plainte à la connaissance de la Police, de la Gendarmerie ou directement du Procureur de la République.

Ce qui peut déranger concernant cette vague de dénonciations publiques via internet est incontestablement que cela jette l’opprobre sur des personnes avant toute investigation et sans preuve, bafouant l’un des principes essentiels de notre justice : le principe de la présomption d’innocence – alors que la loi permet déjà de répondre aux attentes et à l’intérêt des victimes.