Au sortir d’une fin d’année où de nombreuses entreprises célèbrent cet évènement, c’est l’occasion de partager un moment de détente avec les salariés. Fêtes où l’alcool est souvent présent. Si c’est le cas, le chef d’entreprise doit rester prudent : sa responsabilité en matière de consommation d’alcool, que ce soit lors d’un pot ou dans le cadre normal du travail, est importante.
Les effets de l’alcool sont bien connus : seulement un ou deux verres peuvent modifier la capacité de travail : temps de réaction plus long, champ visuel rétréci, capacités d’apprentissage et de mémorisation altérées, baisse de la vigilance, prise de risques inconsidérée, voire même accident de travail ou de la route.
Et ceci a un coût financier important pour l’entreprise : baisse de la qualité du travail, malfaçon, démotivation, dégâts matériels. En effet, en cas d’accident provoqué par un salarié ivre, la responsabilité de l’entreprise sera systématiquement engagée, voire même votre responsabilité pénale en tant qu’employeur.
Enfin, des consommations d’alcool immodérées sont souvent synonymes d’un absentéisme important. Il n’y a pas que le cas de l’alcool bu au travail. Un salarié alcoolique chronique peut très bien arriver ivre à son poste dès le matin ou après le déjeuner et il n’est pas toujours facile d’adopter la bonne attitude face à une telle situation.
Si vous organiser un « pot » au sein de l’entreprise : Cela n’est pas interdit mais l’employeur a des obligations en matière de sécurité et de protection des salariés.
Dès lors, si vous mettez à disposition des salariés de l’alcool, vous devez vous assurer, pendant et à la suite du pot, que la santé physique des salariés n’est pas mise en péril. Car si le salarié en état d’ivresse à la suite d’un pot cause un accident qui lui porte préjudice ou à un tiers, votre responsabilité civile pourra alors être engagée sur le fondement du non-respect de votre obligation de sécurité. Le dédommagement qui en découle sera fonction du préjudice subi par la victime.
Vous pourrez également être poursuivi pénalement pour homicide involontaire ou encore non-assistance à personne en danger par exemple.
Comment se prémunir contre l’ivresse ?
Le Code du travail prévoit qu’aucune boisson alcoolisée n’est autorisée sur le lieu de travail mais tolère « le vin, la bière et le poiré ». Il est également interdit de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d’ivresse dans l’entreprise. Parmi vos obligations légales, vous devez également interdire à toute personne en état d’ivresse d’entrer et de séjourner dans votre entreprise. Le non-respect de cette interdiction est sanctionné par une amende de 3.750 euros appliquée autant de fois qu’il y a de salariés ivres dans l’entreprise.
Au-delà de ces obligations basiques issues du Code du travail, la question est de savoir par quel biais se protéger contre l’ivresse au sein de votre entreprise.
La première des choses est de veiller à ce qu’aucun alcool, autre que ceux autorisés, ne circule dans l’entreprise. Ainsi, lors d’un pot par exemple, vous pouvez envisager qu’aucun alcool ne soit proposé. Et si cette mesure risque d’être mal accueillie par certains, vous pouvez prévoir de l’alcool en quantité très limitée, ou même mettre en place un éthylotest à la disposition du personnel. En ce qui concerne le repas pris à la cantine ou au restaurant d’entreprise, n’autorisez, par exemple, qu’un verre de vin par repas distribué.
Vous pouvez (et vous devez) donc introduire dans votre règlement intérieur une clause qui encadre la consommation d’alcool dans l’entreprise, voire qui l’interdit complètement. Ces restrictions et interdictions peuvent également concerner le vin, la bière, le cidre et le poiré dont l’introduction est pourtant autorisée par le Code du travail.
Avant d’introduire une interdiction générale et absolue de la consommation d’alcool dans votre règlement intérieur, vous devez connaître quelques règles : édicter des règles plus strictes que celles prévues par le Code du travail et ainsi apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir, proportionné au but recherché. Il faut donc considérer le poste du salarié et l’activité exercé par l’entreprise.
Les restrictions peuvent notamment être justifiées par des impératifs de sécurité, prévenir un risque d’accident, protéger la santé et la sécurité des travailleurs qui, par exemple, occupent des postes où la consommation d’alcool n’est pas sans risque (conducteur, travail en hauteur, manipulation de produits dangereux, etc.)
Vous pouvez également prévoir, dans le règlement intérieur (ou, à défaut, dans une note de services), la possibilité de contrôler l’état d’ébriété d’un salarié, via un éthylotest, mais sous certaines conditions :
•le contrôle ne peut pas porter sur tous les salariés sans distinction : ne peuvent alors être visés que ceux qui manipulent des machines ou des produits dangereux, qui conduisent des engins ou des véhicules, ou ceux pour lesquels un état d’ivresse constituerait une menace pour eux-mêmes ou leur entourage (par exemple, un couvreur ou un peintre en bâtiment sur son échafaudage) ;
•les salariés doivent pouvoir contester ce test d’alcoolémie, en demandant une contre-expertise ou un second test.
Le règlement intérieur doit être régulièrement déposé et affiché, sinon les résultats de l’éthylotest ne seront pas exploitables. Le test peut être effectué par vous-même ou par toute autre personne que vous aurez désignée. Il est fortement conseillé qu’une tierce personne assiste également à ce test.
Vous pouvez même prévoir, toujours pour ces postes à risques, la possibilité d’effectuer des tests d’alcoolémie « de contrôle », mais vous devez en préciser les modalités et les conditions.
Attention : il faut bien garder à l’esprit que l’éthylotest doit uniquement avoir pour but de prévenir ou de faire cesser une situation dangereuse : il ne peut donc pas être généralisé à tous les salariés de l’entreprise.
Enfin, vous pouvez aussi prévoir dans le règlement intérieur la possibilité de fouiller l’armoire individuelle d’un salarié que vous soupçonnez détenir de l’alcool, mais uniquement en présence de celui-ci. En cas de fouille, faites en sorte qu’une tierce personne soit également présente en qualité de témoin.
Le cas de l’alcoolisme aigu. Face à un salarié visiblement alcoolique, vous avez la possibilité de contacter le médecin du travail. Celui-ci décidera si un test d’alcoolémie doit être pratiqué. Les résultats de cet éventuel test sont couverts par le secret médical et le médecin du travail n’est tenu de vous donner ses conclusions qu’en termes d’aptitude au poste de travail.
Quelles sanctions ?
Si, malgré la prévention, vous vous retrouvez face à un salarié ivre, il vous faut agir vite et prendre les bonnes décisions.
Lorsqu’un salarié ivre se présente au travail ou lorsqu’il est surpris en état d’ébriété pendant la journée, la première des choses à faire est de le retirer de son poste. Ensuite, si vous en avez la possibilité, vous devez le faire raccompagner chez lui, mais ne le renvoyez jamais seul.
Ce salarié n’étant pas à son poste, on le considère donc comme absent et les heures de travail non effectuées ne seront pas rémunérées.
Si vous n’avez pas pu faire le test d’alcoolémie, qui constitue une preuve irréfutable en vue d’une sanction disciplinaire, il vous faudra recueillir des preuves ou des témoignages de personnes qui confirment l’état d’ivresse du salarié. Vous pouvez même demander à la police ou à la gendarmerie de venir constater le niveau d’alcoolémie du salarié.
La consommation d’alcool sur le lieu de travail est une faute qui peut justifier une sanction allant du blâme au licenciement, peu importe que l’état d’ivresse en question ait eu ou non des conséquences dans l’entreprise.
Cette sanction doit tenir compte des circonstances, des fonctions, des antécédents (y a-t-il déjà eu sanction ou avertissement pour des faits similaires ?) et de l’ancienneté du salarié.
Enfin, si, dans votre règlement intérieur, vous avez pris la mesure d’interdire complètement la consommation d’alcool au travail, tout salarié qui en consomme ou en détient pourra être licencié pour faute grave.