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Des moyens de contrôle des salariés : le temps de travail ne peut pas être contrôlé par géolocalisation s’il peut l’être autrement

Le droit pour l’employeur de surveiller et contrôler ses salariés sur le lieu et pendant le temps de travail est une prérogative découlant directement du contrat de travail et plus spécialement du lien de subordination. Mais celle-ci ne doit pas porter atteinte aux droits et libertés des salariés ni enfreindre l’exigence de loyauté dans les relations contractuelles. Des obligations particulières peuvent en outre s’imposer lors de la mise en place de certains dispositifs de contrôle.

Les moyens de contrôle utilisés par l’employeur ne doivent donc pas apporter aux droits et libertés des salariés des restrictions disproportionnées et non justifiées par la nature de la tâche à accomplir. En outre, les salariés doivent en être informés. A défaut, l’employeur ne saurait leur reprocher un manquement aux règles ainsi mises en place.

Des moyens de contrôle des salariés

Sous certaines conditions, l’employeur peut mettre en place des badges électroniques pour contrôler l’accès à l’entreprise et la durée de travail des salariés.

Les connexions internet établies par le salarié durant son temps de travail sont présumées avoir un caractère professionnel ; l’employeur peut donc librement les contrôler, hors la présence de l’intéressé.

Il en est de même pour les courriels adressés par le salarié à l’aide de la messagerie électronique de l’entreprise, ou de celle mise à sa disposition par cette dernière pour son travail, sauf disposition contraire du règlement intérieur ou sauf si le salarié les a identifiés comme étant personnels.

Dans ce dernier cas, l’employeur ne peut pas les consulter hors la présence de l’intéressé, même si l’utilisation non professionnelle de la messagerie a été interdite, sous peine de commettre le délit de violation du secret des correspondances.

La possibilité de géo localiser le salarié

Le recours à un dispositif de géolocalisation du véhicule de fonction d’un salarié itinérant afin de contrôler la durée de travail n’est licite que si ce dernier ne dispose pas d’une liberté d’organisation de son travail et si l’employeur n’a pas d’autre moyen d’effectuer ce contrôle. Ainsi, le recours à la géolocalisation n’est pas légitime si l’employeur peut contrôler le temps de travail à partir des fiches de chantier que le salarié est tenu d’établir et rendant compte de son activité et de l’amplitude horaire travaillée ou en exploitant les renseignements laissés par l’intéressé sur le programme informatique auquel il est tenu de se connecter quotidiennement afin de rédiger ses rapports de visite, passer les commandes et gérer et préparer ses tournées.

Si cette pratique séduit de plus en plus d’employeurs, la CNIL et la Cour de cassation ne manquent pas de rappeler régulièrement qu’une telle pratique doit être encadrée.

Une position établie et confirmée de la jurisprudence

A la suite d’un contrôle, la Cnil a mis en demeure une entreprise de cesser de traiter les données de géolocalisation des véhicules de fonction de ses techniciens itinérants pour contrôler leur temps de travail.

En effet, dans sa délibération du 4 juin 2015, la Cnil listait les finalités susceptibles de justifier un traitement par l’entreprise des données issues de dispositifs de géolocalisation des véhicules utilisés par les salariés, dans le respect des dispositions du Code du travail et de la loi Informatique et libertés. Notamment, si un tel traitement peut servir à assurer le suivi et la facturation de prestations auprès d’un client, il ne peut avoir pour objet de contrôler le temps de travail des salariés que s’il s’agit d’une finalité accessoire et si ce suivi ne peut pas être réalisé par un autre moyen.

En application de ces règles, la Cnil constatait que le suivi du temps de travail des salariés dans l’entreprise en question pouvait être assuré au moyen de déclarations, de sorte que le traitement des données de géolocalisation effectué par l’employeur présentait un caractère excessif.

Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil d’Etat valide la motivation de la Cnil après avoir constaté que cette décision n’interdisait pas à l’employeur de continuer à traiter ces données pour la facturation des clients. La Haute Juridiction administrative précise que, même s’il est moins efficace que la géolocalisation, l’existence d’un autre moyen de contrôle du temps de travail interdisait le traitement par cette entreprise de données de géolocalisation à cette fin.

Les limites à ce système

Tout d’abord, il s’agit d’un dispositif couteux. En outre, il faut également faire attention à ne pas franchir le pas de trop vers la vie personnelle. En effet, aujourd’hui, il semble complexe d’appréhender la frontière entre exécution du contrat de travail, l’état de subordination du collaborateur et sa vie privée.

L’employeur doit donc garder en mémoire toutes ces règles encadrant le recours à de tels procédés (affichages, proportionnalité, etc.) pour ne pas risquer de voir invalider une éventuelle sanction disciplinaire.