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Comment protéger son activité vis-à-vis de ses anciens salariés, collaborateurs ou partenaires commerciaux ?

La nature de l’activité oblige parfois l’employeur, le collaborateur ou l’associé de se prémunir d’éventuels projets de son ancien salarié/collaborateur/associé.

Il existe le mécanisme de la clause de non concurrence, qui s’adapte suivant l’interlocuteur.

Mais il existe également d’autres types de clauses, qui protègent l’entreprise de la future activité d’anciens salariés.

A. La protection par les clauses de non-concurrence

La clause de non-concurrence peut se définir comme la clause au terme de laquelle l’employé s’engage à ne pas exercer d’activité de nature à faire concurrence à son employeur ou à des tiers. Elle est applicable tout au long de la durée des relations contractuelles et, souvent, après leur expiration. Afin de rédiger correctement une clause de non-concurrence, il est nécessaire de bien comprendre ses conditions de validité.

*Conditions de validité générales applicables à toute clause de non-concurrence

Toute clause de non-concurrence, susceptible d’imposer de lourdes contraintes au débiteur, doit être acceptée par ce dernier sans équivoque.

Les clauses de non-concurrence sont en principe licites (Soc, 6 décembre 1967).

Toutefois, cette validité demeure conditionnelle car elle ne doit pas porter une atteinte trop grave à la liberté de faire du commerce ou d’exercer une industrie.

La jurisprudence a progressivement déterminé quatre grandes conditions de validité applicables à toute clause de non-concurrence. Ces critères visent : la nature de l’activité concernée, la durée de la limitation imposée par la clause de non-concurrence, son lieu et enfin le caractère proportionné de la clause par rapport à l’objet du contrat ou aux intérêts légitimes à protéger.

  1. La limitation de la clause de non-concurrence quant à la nature de l’activité

L’activité faisant l’objet d’une clause de non-concurrence doit être déterminée avec précision, sauf à être jugée illicite. En effet, une clause de non-concurrence ne saurait interdire à une personne d’exercer toute activité commerciale ou professionnelle.

  1. La limitation de la clause de non-concurrence quant au temps (durée) et à l’espace (lieu)

L’interdiction posée par la clause de non-concurrence doit nécessairement être limitée dans sa durée.

Les juges apprécient souverainement l’importance de la durée stipulée au contrat. Il a été ainsi jugé comme excessif une clause de non concurrence insérée dans un contrat de laveur de vitre, d’une durée de cinq ans et d’un rayon de 30 kilomètres. (Cass. soc. 7 mai 1991).

Quant à l’espace, la clause de non-concurrence doit nécessairement délimiter le lieu d’application de l’interdiction d’exercice d’une activité concurrente : un quartier, une ville, un département, une région, voire un pays pour des activités exercées hors des frontières.

  1. L’exigence d’un caractère proportionné à l’objet du contrat ou aux intérêts légitimes à protéger

Le caractère proportionné de la clause de non-concurrence au regard de l’objet du contrat est sans conteste une condition de validité à une telle clause (Com, 4 janvier 1994). Cet objet du contrat a égard à la mission de l’employé : l’employé manipule-t-il des données sensibles de l’entreprise ? L’employé a-t-il accès à des informations confidentielles sur les clients ? De même que l’est l’exigence du caractère proportionné de la clause aux intérêts légitimes à protéger (Civ 1ère, 11 mai 1999). Cette condition est aujourd’hui systématiquement imposée par la Cour de cassation, quel que soit le contrat en cause, sous peine de nullité absolue (CA Paris, 5ème chambre, 7 janvier 2009).

Ainsi, si l’on reprend l’exemple donné précédemment du contrat de laveur de vitre, l’entreprise ne manifestait aucun intérêt légitime à protéger son commerce par une clause de non concurrence (Cass. soc. 7 mai 1991). En effet, l’entreprise litigieuse ne pouvait pas craindre de voir son commerce péricliter du fait de l’embauche de l’ancien salarié par une entreprise concurrente.

Finalement, les juges opèrent une analyse au cas par cas.

B. Conditions de validité particulières à certaines clauses de non-concurrence

  1. Les clauses de non-concurrence imposées aux salariés

Lorsque la clause de non-concurrence vise un salarié, un critère supplémentaire s’ajoute aux quatre grandes conditions de validité que nous venons de voir : une compensation financière doit être mise en place.

Jusqu’en 2002, une contrepartie financière n’était obligatoire que si celle-ci était prévue par la convention collective de l’entreprise. Cette règle s’est néanmoins généralisée suite à plusieurs décisions rendues par la Cour de cassation en 2002 (Soc, 10 juillet 2002). Depuis, pour être légale, la clause de non-concurrence doit prévoir une compensation financière au profit du salarié en sus des autres conditions.

Cette compensation financière devra prendre en compte la durée, le champ géographique et le secteur de métier applicable à l’obligation de non concurrence. Par exemple une obligation de non concurrence de deux ans sur l’ensemble de la région PACA mérite une compensation financière adaptée, car le salarié ne pourra plus exercer son savoir-faire dans une large zone géographique, ce qui, notamment, pourrait l’obliger à déménager.

  1. Les clauses de non-concurrence entre associés

Vous pouvez choisir d’intégrer des clauses de non-concurrence entre associés, au sein des statuts de votre SAS ou SARL, ou d’un pacte d’associés. Aujourd’hui, nombre de startups innovantes souffrent de l’absence de clauses de non-concurrence dans leur pacte et/ou dans leurs contrats commerciaux.

Par ailleurs, sachez qu’une obligation de loyauté est toujours imposée à un associé qui est également dirigeant social, sans qu’il soit besoin de stipuler une clause de non-concurrence.

La contrepartie financière a également été récemment ajoutée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation comme condition de validité des clauses de non-concurrence applicables aux associés ou actionnaires qui sont également salariés de leur société (Com, 15 mars 2011).

  1. Les clauses de non-concurrence entre entreprises commerciales

En matière commerciale, la clause de non-concurrence vient limiter la liberté d’entreprendre en interdisant à l’une des parties au contrat d’exercer une activité qui viendrait directement concurrencer l’activité de la société concernée.

En pratique, une telle clause de non-concurrence stipulée entre entreprises commerciales est soumise à trois conditions :

*l’existence d’une limitation dans le temps

*l’existence d’une limitation dans l’espace

*la proportionnalité aux intérêts légitimes de l’entreprise au regard de l’objet du contrat, autrement dit, cette clause doit permettre à la société de protéger ses propres intérêts, sans aller jusqu’à empêcher la personne soumise à cette clause d’exercer son activité (Com, 1er juillet 2003, n° 02-11.381).

Depuis un arrêt de 2013, la Cour de cassation a clairement jugé qu’en droit commun, la clause de non-concurrence n’a pas à être assortie d’une contrepartie financière dès lors que le débiteur n’est pas un salarié (Civ 1ère, 2 octobre 2013).

Toutefois, il est toujours possible d’agir en requalification du contrat si celui-ci s’apparente à un contrat de travail déguisé et ainsi demander application du droit du travail. C’est notamment le cas pour les prestataires de service, qui seraient en réalité dans une relation de subordination avec leur client, comme il est explicité ci-après.

  1. Les clauses de non-concurrence imposées à un prestataire personne physique

Selon l’arrêt de 2013 précité, si le prestataire personne physique n’a pas la qualité de salarié, il ne pourra revendiquer l’ajout d’une contrepartie financière à sa clause de non-concurrence pour la validité de celle-ci.

Toutefois, tout comme pour les contrats signés avec des entreprises commerciales, il sera toujours possible d’agir en requalification, s’il s’avère que son contrat s’apparente à un contrat de travail déguisé et ainsi demander l’application de la législation applicable aux contrats de travail.

  1. Les clauses de non-concurrence et les stagiaires

Les tribunaux voient d’un mauvais œil les clauses de non-concurrence imposées à des stagiaires, car cela priverait l’étudiant de la possibilité de trouver un emploi en rapport avec la formation qu’il a reçue. Néanmoins, le peu de jurisprudence sur cette question précise rend difficile toute interprétation catégorique de la jurisprudence concernant l’application de clauses de non-concurrence à un stagiaire.

De fait, il n’est pas rare pour une startup innovante de devoir recourir, au début de son activité, à des stagiaires qui pourraient être amenés à collecter de nombreuses informations sensibles et confidentielles sur l’activité de la société.

Les entrepreneurs ont alors recours à d’autres méthodes pour se protéger. Il s’agit notamment de se prémunir d’actes dits « assimilés » à de la concurrence déloyale.

C. Les autres clauses pour se prémunir d’actes assimilés à de la concurrence déloyale

Afin de parer à toute situation, il existe plusieurs mécanismes contractuels pour se prémunir des actes déloyaux de tiers.

1.La clause de non-sollicitation

Vous pouvez instituer des clauses restrictives, notamment en prévoyant des clauses de non-sollicitation, non pas à destination de vos salariés mais à celle de vos clients.

Ainsi, vos clients ne seront pas en droit de solliciter vos salariés ou prestataires indépendants pour une durée à déterminer.

Vous pouvez également ajouter à cette clause de non-sollicitation, les conséquences de sa violation éventuelle. Cette clause pénale prévoie, dès la rédaction du contrat, le montant de l’indemnité à payer en cas de manquement à ce devoir de réserve (par exemple, une indemnité égale au dernier salaire mensuel du salarié sollicité par votre client).

Toutefois, en aucun cas une clause de non-sollicitation ne peut aboutir à la privation pour le salarié de la possibilité de trouver un emploi dans une entreprise concurrente, auquel cas la clause serait assimilée à une clause de non-concurrence et nécessiterait une contrepartie financière.

2. L’obligation de loyauté

L’obligation de loyauté permet à un employeur d’empêcher son salarié ou mandataire social de lui faire concurrence ou de démarcher ses clients au nom de la loyauté qui le lie à la société, pendant que ce salarié ou mandataire social est en poste. Cette dernière n’impose pas de prévoir de contrepartie financière.

Par exemple, si le salarié utilise un arrêt maladie pour aller travailler chez un concurrent, ou lorsque le salarié utilise les outils de son employeur pour les mettre à profit pour un concurrent.

L’obligation de loyauté est valable uniquement pendant la durée du contrat de travail.

3. La clause de protection de clientèle

Il existe également une clause plus restreinte dite « de protection de clientèle » (autrement appelée clause de clientèle, de non-démarchage, de non-détournement, ou encore de non-captation de la clientèle).

Cette dernière permet d’interdire directement à un salarié de contracter avec précisément les clients de son ancien employeur. Et ce, même si ce sont les clients de l’ancien employeur qui envisagent de contracter avec le salarié, en l’absence de toute sollicitation ou démarchage de la part de celui-ci.

Cette clause est valable pendant et après la fin du contrat de travail.

4. La clause de non-affiliation

Alors que la clause de non-concurrence empêche l’exercice d’une activité identique, la clause de non-affiliation empêche le rattachement à un réseau concurrent mais permet l’exercice de la même activité à titre indépendant.

Essentiellement utilisée dans les contrats de franchise, tout comme la clause de non-concurrence, la clause de non-affiliation est licite si elle est limitée quant à l’activité, au temps et à l’espace. Elle doit également être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger (ceux du franchiseur) mais cette clause n’exige aucune rémunération du débiteur (Com, 31 janvier 2012).

III. La sanction de la concurrence déloyale

A. La sanction de la concurrence déloyale au titre de la violation des clauses de non concurrence (responsabilité « contractuelle »)

La violation d’une clause de non concurrence par le salarié entraîne : d’une part, l’extinction de l’obligation de l’employeur de payer une contrepartie financière au salarié (Soc. 5 mai 2004) ; et d’autre part, la cession de l’activité concurrentielle par le salarié (Soc. 29 mai 1990).

L’employeur peut également demander aux juges du fond l’allocation de dommages et intérêts aux fins de réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non concurrence par le salarié. Les juges procèdent alors souverainement à l’évaluation de ces dommages et intérêts (Soc. 10 oct. 1984).

Et ce même en présence d’une clause pénale, dont l’objet est de déterminer préalablement le montant des dommages et intérêts à verser en cas d’une violation d’une clause contractuelle (Soc. 5 juin 1996). En effet, dans cet arrêt la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé d’une part la qualification de clause pénale toute clause de non concurrence déterminant à l’avance le montant des dommages et intérêts à verser par le salarié en cas la violation de la clause de non concurrence ; et d’autre part, le pouvoir souverain du juge dans l’appréciation du montant déterminé au sein d’une clause pénale, et sa possible modification judiciaire si le montant est qualifié de manifestement dérisoire ou excessif.

Il est important de noter qu’il appartient à l’employeur qui prétend que la clause de non-concurrence a été violée d’en rapporter la preuve. (Soc. 13 mai 2003.

En outre, la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par l’employeur contre son ancien salarié dès lors qu’il démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale illicite. (Soc. 14 déc. 2005)

B. La sanction de la concurrence déloyale en l’absence de clause de non concurrence (l’engagement de la responsabilité « délictuelle »)

Au-delà des clauses contractuelles ayant pour but de limiter la concurrence, tout comportement déloyal peut être sanctionné au titre de la responsabilité civile délictuelle. Le préjudice subi par une entreprise du fait d’une concurrence déloyale ayant par exemple entraîné une diminution de la clientèle est sanctionné par les articles 1240 et 1241 du Code civil. Le concurrent déloyal encourt ainsi une condamnation à payer des dommages et intérêts souvent assortie d’une obligation de cesser le parasitisme.

Les dommages et intérêts ainsi alloués serviront à compenser le préjudice subi ou à dissuader le concurrent de manière préventive (Com, 9 février 1993).

Ces articles sont toutefois difficiles d’application devant les tribunaux : mieux vaut avoir un contrat solide et précis entre les parties.