Le CDI étant le mode de recrutement de droit commun, le recours au CDD et au travail temporaire est strictement encadré par la loi, complétée par un accord national interprofessionnel (ANI) qui s’applique à toutes les professions non agricoles.
Le recours au CDD n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas définis par la loi.
Un CDD peut être conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, qu’il soit en CDI ou en CDD. Il peut être conclu également en cas de départ définitif d’un salarié précédant la suppression de son poste de travail, dans l’attente de l’embauche définitive d’un salarié sous CDI.
Hors les hypothèses de remplacement d’un salarié absent, un CDD peut aussi être conclu en cas d’accroissement temporaire d’activité. Ce cas ne sera pas développé dans cet article.
Ce type de contrat étant exceptionnel, en opposition au contrat à durée indéterminée, il existe des interdictions de conclure un CDD : remplacer un salarié gréviste, effectuer des travaux particulièrement dangereux, dans les 6 mois suivant un licenciement pour motif économique.
Au niveau de la forme, l’exigence est totale. L’absence d’une mention peut automatiquement entrainer la requalification du CDD en CDI. Il est essentiel d’attacher la plus grande prudence à la rédaction d’un tel contrat.
Notamment, le CDD doit comporter la définition précise de son motif et le cas légal de recours auquel celui-ci correspond.
Le recours au CDD par l’employeur est donc très encadré et réglementé. C’est pourquoi l’utilisation successive de plusieurs CDD pour un même motif retient une attention toute particulière des magistrats en cas de litige. Toutefois, l’interdiction n’est pas totale, même selon la jurisprudence.
Selon un arrêt du 14 février 2018, le seul fait pour l’employeur de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente ou permanente ne suffit pas à caractériser un usage abusif rendant automatique la requalification de la relation de travail en contrat travail à durée indéterminée.
La reconnaissance de ce recours abusif n’est pas si évidente en matière de contrats de remplacement. Il n’est pas, en effet, incohérent de considérer que les dispositions interdisant de recourir au CDD pour pourvoir durablement un emploi permanent de l’entreprise ne sont pas méconnues dans la mesure où le caractère distinct des emplois pourvus conférerait à chaque contrat leur pleine autonomie de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée ne puisse être acquise.
La Cour de cassation semble revenir sur cette ancienne position conformément à la jurisprudence européenne. L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée prévoit en effet que le seul fait qu’un employeur soit obligé de recourir à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et que ces remplacements puissent également être couverts par l’embauche de salariés en vertu de contrats de travail à durée indéterminée n’implique pas automatiquement l’existence d’un abus.
D’ailleurs, l’arrêt du 14 février 2018, reprend à son compte une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 26 janv. 2012, aff. C-586/10, Kücük (Mme) c/ Land Nordrhein-Westfalen) par laquelle cette dernière avait précisé que :
*le besoin temporaire en personnel même fréquent qui est nécessaire en raison, notamment, de l’indisponibilité d’employés bénéficiant de congés maladie, de congés de maternité ou de congés parentaux ou autres, est susceptible de constituer une raison objective de recours au CDD au sens de la clause 5 de l’accord-cadre européen ;
*le fait de recourir à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et que ces remplacements puissent également être couverts par l’embauche de salariés en vertu d’un CDI n’implique pas l’absence d’une raison objective ni l’existence d’un abus ;
*lors de l’appréciation de cette raison objective, le juge doit prendre en compte toutes les circonstances de la cause, y compris le nombre et la durée cumulée des contrats ou des relations de travail à durée déterminée conclus dans le passé avec le même employeur. D’ailleurs, dans une entreprise disposant d’un effectif important, il peut paraître, comme le relève la Cour de justice, inévitable que des remplacements temporaires soient fréquemment nécessaires en raison, notamment, de l’indisponibilité d’employés bénéficiant de congés de maladie, de congés de maternité ou de congés parentaux ou autres.
En l’espèce, une salariée a été engagée en qualité d’agent de service en CDD par une association, du 17 juin au 30 juin 2010, afin de pourvoir au remplacement d’une personne en congé maladie. Après deux contrats de remplacement conclus du 8 au 29 juillet 2010 puis du 1er au 29 août 2010, elle a été embauchée du 26 avril 2011 au 27 février 2014 en concluant au total 104 contrats de travail.
Contestant la multiplicité du recours aux CDD, la salariée a saisi une juridiction prud’homale tendant à obtenir la requalification de ces derniers en un contrat à durée indéterminée. La cour d’appel de Limoges avait retenu l’argumentation de la salariée en considérant que dès lors que les remplacements prévisibles et systématiques assurés par la salariée pendant trois ans constituent un équivalent à plein temps pour faire face à un besoin structurel de l’employeur, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a procédé à la requalification de ces contrats.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel à l’aune des dispositions européennes susvisées.
Précisément, elle considéra que « le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
En résumé, le recours multiple à des CDD de remplacement, avec le même salarié, ne conduit plus automatiquement le juge à requalifier la relation de travail en une durée indéterminée. Les juges du fond sont tenus encore plus qu’antérieurement à cet arrêt, d’analyser précisément les circonstances de la cause. A chaque cas son jugement. Cela ne va certes pas dans le sens d’une jurisprudence harmonisé sur le territoire de la République, mais a le mérite de s’adapter à chaque cas d’espèce.