Un arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 2016 précise qu’un salarié qui n’est pas affecté exclusivement à des activités de conduite ne peut pas être licencié en raison d’une suspension de son permis de conduire.
Cette dernière jurisprudence est l’occasion de retracer la position de la Cour de cassation sur ce sujet.
*Dans le cas où la suspension intervient pendant l’exécution du contrat de travail, si elle est la conséquence d’un accident dont le salarié est responsable, une sanction disciplinaire peut être prononcée par l’employeur qui doit faire le choix de la gradation appropriée entre l’avertissement, la mise à pied ou le licenciement.
*Lorsqu’elle intervient en dehors de la période de travail, le principe souvent rappelé par la Cour de cassation est le suivant : le salarié bénéficie d’une véritable immunité disciplinaire pour les faits étrangers à l’exécution du contrat de travail.
Dès lors, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
En revanche, lorsque la perte du permis de conduire entraine un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise, un licenciement peut être envisagé.
Cette appréciation concrète des faits peut a contrario permettre de soutenir que ne sera pas caractérisé le trouble objectif dans l’entreprise si le salarié est polyvalent et peut être momentanément affecté à des tâches autres que celles nécessitant un permis de conduire.
Ce que semble confirmer l’arrêt de la Cour de cassation en date du 15 avril 2016 qui affirme que « le salarié dont le permis de conduire est suspendu en raison de faits survenus dans le cadre de sa vie personnelle peut être licencié si le salarié est placé dans l’impossibilité d’exercer l’ensemble des fonctions lui incombant. »
Tel n’est pas le cas lorsque le salarié n’est pas employé exclusivement à des activités de conduite. En l’espèce, l’intéressé était affecté à un poste d’agent de service remplaçant, effectuant des livraisons mais aussi d’autres activités telles la préparation de commandes, le chargement et le déchargement des camions ou le réapprovisionnement des rayons. L’employeur ne justifiait donc pas d’un trouble au bon fonctionnement de l’entreprise suffisamment important pour motiver le licenciement du salarié.
Cela implique qu’il pèserait donc sur l’employeur une obligation de reclassement dans l’entreprise en cas de perte du permis de conduire hors temps de travail n’apportant aucun trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise.
*Dans les cas où la possession du permis de conduire est prévue au contrat de travail, la réponse est plus simple. En effet, la perte du permis de conduire constituerait un manquement contractuel sanctionnable.
*Un danger pèse toutefois sur l’employeur en cas d’annulation de la suspension ou du retrait du permis de conduire
En effet, si la décision de retrait/suspension du permis de conduire de mon salarié est ultérieurement annulée, la Cour de cassation a rappelé qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, elle est tenue de faire application de la règle selon laquelle l’annulation d’une décision administrative a un effet rétroactif.
En conséquence, elle juge dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par le retrait du permis de conduire d’un salarié, l’annulation par le tribunal administratif de la décision emportant pour le salarié perte de son permis ayant un effet rétroactif et ne pouvant être remise en cause par le juge judiciaire.
Ainsi, même si le licenciement était, au moment de son prononcé, parfaitement légitime, le retrait du permis de conduire du salarié est, du fait de son annulation, réputé n’être jamais intervenu et ne pouvait justifier le licenciement pour ce motif.
C’est donc sur l’employeur que pèsent les conséquences de l’illégalité entachant la décision administrative.
Le licenciement en cas de perte ou de suspension du permis de conduire est donc une option qui doit intervenir en tout dernier ressort après avoir considéré attentivement les faits de l’espèce et de la jurisprudence précitée de la Haute Cour de Justice.